jeudi 22 février 2007

Dragons

En marge de l’exposition Dragons : Entre Science et fiction du Muséum d’Histoire Naturelle, nous allons essayer, à la lumière de nos Sages, de mémoire bénie, d’expliciter certains éléments.
Cette exposition, au demeurant très attrayante, pose un certain nombre de questions sur la légende draconienne universelle ; il est pourtant dommage qu’on en sorte avec une idée préconçue, un peu trop extrême-orientale !
La Torah, les Commentateurs font un certain nombre de références au Dragon ; ce terme générique englobant « le fier serpent volant » du Livre d’Ezéchiel, le « Tanim », les « Taninim », le « Léviathan » et le « Drakon » du Talmud !
De toutes les créatures du bestiaire fantastique, le dragon est peut-être la plus fameuse créature depuis l’Occident jusqu’à l’Orient ; non seulement par son gigantisme mais aussi par la vivacité de sa légende.
Vu sa multitude de représentations, il est clair, à notre point de vue, que d’essayer de découvrir la vérité semble une gageure !
Le terme dragon, vient du grec « drakon » qui signifie « fixer du regard », ce terme s’applique en fait à la plupart des monstres reptiliens.

Pour les psychanalystes, la représentation du dragon, à la fois dans les rêves, les contes et les mythes représente le principe de transcendance qui permet à tout individu d’accéder à un niveau de conscience supérieur où il réalise la plénitude de son être, en se libérant de l’image de sa mère.
La première question basique à se poser est de savoir si le dragon a (ou a eu) une réalité physique ?
Les os fossilisés (ou non) de dinosaures ont souvent été assimilés à des « os de dragons » ; en Chine, il existe toujours dans la province de Guizhou une colline dite « colline du Dragon caché » où les autochtones venaient chercher de petits dragons en ignorant qu’il s’agissait de fossiles !
Ceux-ci étaient de petits reptiles marins (ressemblant au fameux Nessie-Loch -Ness) de trente à trente cinq centimètres ayant pour nom :
Keichousaurus hui, avec un corps en forme de poire et un cou sinueux.
De nombreuses légendes nous parlent de dragon vivant et de leur implication avec l’environnement.
Aujourd’hui, zoologiquement parlant, on dénombre un certain nombre de dragons tels les crocodiliens, tel le dragon de Komodo (Varanus komodoensis).
Découvert en 1912 en Indonésie, il conserve sa réputation de mangeur d’hommes !
Ce reptile a sans doute survécut grâce à ses caractéristiques morphologiques remarquables telle son épaisse cuirasse d’écaille fossilisée, une queue puissante et une dentition redoutable

Ce qui laisse à penser que partout où il y a des reptiles, il y a
Un mythe draconien !
Comment a –t-on représenté le dragon en Occident et en Orient ?
Au point de vue psychanalytique, la symbolique du dragon est entièrement réalisée quand on est en présence du dragon ailé quadrupède qui allie l’univers terrestre par ses pattes, l’univers aquatique en tant que reptile et aérien par ses ailes.
Symbole complexe, le dragon peut représenter, à certains égards, le Yetser-ara (le mauvais penchant) que l’homme doit combattre en lui-meme.
Dans la littérature dite pour enfants, le dragon est très rarement le symbole du mal absolu !
Il est généralement représenté comme un monstre sympathique très ancien et ami des enfants !
Jardin des Plantes-2006

Le dragon a été un emblème militaire commun à de nombreux peuples indo-européens ; il a été présent sur les drakkars des Vikings comme sur les bateaux de Guillaume le Conquérant.
Rien qu’en France, on dénombre une quarantaine de légendes draconiennes telles la Tarasque de Tarascon, la Graouilly de Metz………….

Tarasque
Dans l’art héraldique, on rencontre souvent le dragon, où il représente la force et la vaillance, en aucun cas, il ne représente un maléfice !
Au contraire, il surveille courageusement les trésors.
Ce n’est qu’au XI-XVeme siècle que les artistes vont fixer l’image du dragon telle qu’on la connaît aujourd’hui ; il est souvent représenté en tant que Wyvern, avec deux ailes de chauve-souris, un corps et une queue de serpent se terminant par un dard et deux pattes.
Exposition dragon-2006-Muséum histoire naturelle

La représentation du dragon européen est très proche de celle du dragon, chinois, la route de la Soie y est sans doute pour quelque chose !
En effet, si le dragon d’Asie a un corps qui demeure celui d’un serpent couvert d’écailles, ses pattes sont celles du tigre et se terminent par des griffes d’aigle.
La forme de sa tête est celle du dromadaire, elle est surmontée d’une paire de cornes, le cou est souvent muni d’une crinière de lion ; le nombre de griffes varie entre trois et cinq et demeure un indicateur du « rang » du dragon.
Seul l’Empereur de Chine (et ses proches) pouvaient utiliser comme emblème un dragon à cinq griffes.
La couleur dudit dragon était aussi importante, le jaune était celle de l’empire.
Les Drakons et nos Sages

La Mishna quand elle discute du type de représentations qui doivent être
détruites car elles sont idolâtres, inclus l’imaged’une créature que l’on nomme « Drakon ». (Mishna, Avodah Zarah 3 :3)
La question qui se pose alors est la suivante, si la Mishna fait référence à une image idolâtre, le drakon n’existe pas ; cependant, à d’autres endroits du Talmud (Berakhot 62a, Gittin 57a), il est fait mention d’une créature réelle !
La Torah fait référence à des créatures nommées « TANINIM »,
et toujours avec un aspect différent, ce qui laisserait à penser que le TANIN
[Singulier de Taninim] est un ensemble de différentes créatures ou tout du moins un terme générique !

Dans la Torah, le Tanin semble parfois faire référence à un serpent :
« Venin de Serpents [Taninim], leur vin poison [Chamas] cruel des vipères » [Deutéronome 32 :33]
Seuls les serpents sont mortels par leur venin
Figure 1 muséum Histoire Naturelle Pars

Ailleurs, le terme Tanim évoque irrémédiablement une créature aquatique, ce qui pourrait éliminer le serpent, cependant le serpent de mer existe mais il reste une créature complexe et mystérieuse dont nous reparlerons.
« Louez D.ieu sur l’étendue de la Terre
Monstres marins [Taninim] et vagues profondes » [Tehilim 148 :7]
Pour ajouter à la confusion, à un autre endroit la Torah nos parle d’un mammifère.

« Ses palais seront envahis par les ronces, ses forteresses par les orties et les chardons, ils deviendront la demeure des chacals [Tanim], le séjour des hiboux » [Isaïe 34 :13]

Figure 2
A un autre endroit, la Torah nous parle du crocodile !
« Ainsi parle le Seigneur D.ieu : Voici, je m’en prends à toi, pharaon, roi
d’égypte grand crocodile [Tanin], couché au milieu de tes fleuves »
[Ezéchiel 29 :3]
Il est intéressant de noter ici que le bâton de Moise va se transformer en serpent [Nachach].
« Il dit « Jette-le à terre » Il le jeta à terre et il devint un serpent [Nachach]
Et Moche s’enfuit de devant lui » [Chemot 4 :3]
Alors que le bâton d’Aharon se transforme en Tanin !
Le Rav S.R. Hirsch dans son commentaire sur ces versets nous explique
que le Tanin n’est sans doute pas un serpent mais une créature aquatique
terrifiante [Berechit 1 :21].
« Pharaon est lui-même nommé [Tanin] le grand animal aquatique qui doit sa vie à la bienveillance des divinités du fleuve » !

Figure 3: vivarium jardin des plantes-Paris

Devant la multitude d’explications, on peut raisonnablement penser que la Torah nous parle de deux créatures différentes : le Tanim et les Taninim !

TANIM et TANINIM sont des termes qui, selon les Commentaires du Rav S.R.Hirsch sur Berechit, qui ont une étymologie et une signification problèmatique, nous envoyons les exégètes à son commentaire Berechit 1
Tanim est le pluriel de Tan, petit mammifère vivant dans le désert, sans doute le chacal.
Taninim est le pluriel de Tanin qui a été décrit comme un serpent, un crocodile et une créature aquatique.
C’est donc avec ce terme Tanin que les possibilités d’interprétation sont les plus vastes, ce qui permet d’ailleurs d’inclure dans ce terme les dragons, les serpents de mer et les dinosaures.

Nous évoquerons dans d’autres articles ces créatures ; en attendant bonne lecture !


Dr Aharon Feldmann-5766
Bibliographie
- Le Pentateuque
- Le livre d’Ezéchiel
- Le livre d’Isaie
- Commentaires du Rav S.R.Hirsch sur Berechit et Chemot
- Exposition du Muséum d’Histoire Naturelle-2006
- Mysterious creatures Rabbi N.Slifkin

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